Une menace à venir en provenance du passé

Crédit image : Pixabay.

La menace que fait peser le dérèglement du climat sur la santé humaine est un phénomène abondamment documenté. Dans un article publié au sein de la revue Environmental Science and Pollution Research en octobre 2020, les chercheurs Amr El-Sayed et Mohamed Kamel alertent cependant sur un risque peu connu du public : la fonte des glaces sous l’effet du réchauffement du climat pourrait libérer des microorganismes congelés depuis des dizaines ou des centaines de milliers d’années, dont un certain nombre de virus et de bactéries.

Les auteurs font notamment état de la découverte d’un virus vieux de 300 000 ans dans un échantillon de glace prélevé en Sibérie, ainsi que de celle d’une bactérie de plus de 8 millions d’années en Antarctique, qui a pu être réanimée après une période d’incubation dans la pénombre à 4°C.

Etant donné que les virus restent de manière générale inactifs lorsqu’ils n’ont pas pénétré un organisme vivant, leur capacité à survivre plusieurs milliers d’années dans des conditions extrêmes n’est guère surprenante. En revanche, la découverte de bactéries congelées pendant des millions d’années et pourtant capables de maintenir leurs activités métaboliques a davantage étonné la communauté scientifique.  

Le phénomène est d’autant plus inquiétant que certaines des bactéries identifiées dans les échantillons de glace prélevés sont potentiellement mortelles pour l’être humain et ont été historiquement responsables des plus grandes épidémies connues dans l’histoire. Les auteurs de l’étude citent notamment les exemples de Mycobacterium tuberculosis, Mycobacterium leprae, Vibrio cholerae, ou encore Yersinia pestis.

La bactérie Yersinia pestis, responsable de la peste, qui a provoqué plus de 50 millions de morts en Europe au XIVe siècle. Crédit image : Rocky Mountain Laboratories.

Certains organismes libérés des glaces ont déjà affecté l’organisme humain au cours des dernières années. En 2016, des spores d’anthrax libéré du permafrost à la suite d’un pic de chaleur estival en Sibérie ont ainsi provoqué la mort d’un enfant et l’hospitalisation d’une vingtaine de personnes. Plusieurs milliers d’élan ont également péri après avoir été contaminés.

La mortalité des élans sibériens a de manière générale fortement augmenté en raison du dérèglement climatique. Crédit photographie : Université de Laponie.

La libération d’innombrables microorganismes sous l’effet du réchauffement des températures pourrait également conduire à la réémergence de pathologies aujourd’hui éradiquées comme la variole, dont le virus est réputé pour ces capacités à supporter la congélation sur une longue durée.

De plus, un grand nombre des virus et des bactéries aujourd’hui contenus dans les glaces n’ont pas encore été répertoriés par la communauté scientifique. Leurs effets potentiels sur la santé humaine ne peuvent donc être anticipés.

Outre ces virus et ces bactéries, certains des échantillons de glace prélevés par les scientifiques contiennent parfois des champignons, des amibes, des nématodes et même des arthropodes. Un examen mycologique de sédiments anciens du pergélisol sibérien mené en 2013 a par exemple conduit à la détection de différentes espèces de champignons qui étaient viables et métaboliquement actifs.

De nombreuses inconnues entourent encore les conséquences que pourrait avoir la libération de milliards de microorganismes des glaces dont ils sont demeurés prisonniers durant des millénaires. Les auteurs concluent ainsi leur étude par un appel à la vigilance : les conséquences sanitaires du dérèglement climatique sont sans doute très largement sous-estimées et pourraient représenter une menace extrêmement sérieuse pour l’existence de l’humanité.

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