La fonte de la calotte glaciaire de l'Antarctique occidental est désormais inévitable

Crédit photographie : Jason Auch.

La calotte glaciaire de l’Antarctique occidental est une couche de glace qui recouvre la plus grande partie de ce continent. Contrairement à la banquise, formée à la surface de la mer et constituée d’eau salée, la calotte glaciaire (ou inlandsis) est constituée de glaciers d’eau douce reposant sur un substrat rocheux.

Il arrive cependant que ces glaciers se prolongent jusqu’à la surface océanique et flottent sur l’eau : on parle alors de plates-formes de glace. Ces barrières glaciaires jouent un rôle décisif dans la stabilité de l’Antarctique, puisqu’elles permettent de limiter le déversement des glaces continentales dans l’océan.

Le dérèglement du climat, qui contribue au réchauffement de l’océan Austral, et plus spécifiquement de la mer d’Amundsen, a pour conséquence la fonte des plates-formes de glace. Un tel phénomène favorise en retour l’écoulement des glaciers terrestres vers l’océan. La calotte glaciaire de l’Antarctique occidental est ainsi en très net retrait depuis plusieurs décennies et pourrait à terme s’effondrer entièrement, ce qui provoquerait une montée du niveau des océans de plus de 5 mètres.

Dans un article publié dans la revue Nature Climate Change en octobre 2023, les chercheurs Kaitlin A. Naughten, Paul R. Holland et Jan De Rydt s’efforcent de comprendre plus en détail ce phénomène. Cette étude est la première à proposer une analyse qui prenne en compte plusieurs scénarios différents, allant d’un réchauffement limité à 1,5°C d’ici la fin du siècle à une hypothèse de réchauffement beaucoup plus pessimiste (scénario dit RCP 8.5).

Pour l’ensemble des scénarios étudiés, le réchauffement anticipé de la mer d’Amundsen est significatif et implique une fonte importante des plates-formes glaciaires. La mer d’Amundsen devrait ainsi connaître un niveau de réchauffement compris entre 0,8°C et 1,4°C d’ici la fin du siècle, contre une moyenne historique de 0,25°C au cours du XXe siècle.

Que le réchauffement global du climat atteigne 1,5°C ou qu’il avoisine les 3°C d’ici 2100, les niveaux de réchauffements des eaux et de fonte des glaces anticipés en Antarctique occidental au cours des décennies à venir sont relativement similaires. Seul le scénario extrême RCP 8.5, qui pourrait conduire à un réchauffement global supérieur à 4°C, conduit à des niveaux de fonte significativement plus élevés que les autres scénarios.

Niveau de réchauffement des glaces continentales en degrés Celsius (bandes rouge) et de fonte des plates-formes glaciaires de l’Antarctique occidental en pourcentage par siècle (bandes bleu), en fonction de divers scénarios de réchauffement du climat. Crédit image : Kaitlin A. Naughten, Paul R. Holland et Jan De Rydt, Nature Climate Change, 2023.

A très long terme, l’ensemble des scénarios examinés pourraient conduire à des résultats fort différents. Cependant, au cours de ce siècle, les efforts entrepris pour atténuer le dérèglement du climat ne permettront manifestement pas de préserver les glaces de l’Arctique occidental, aussi importants soient ils.

Comment expliquer de tels résultats ? Les plates-formes de glace de la calotte de l’Antarctique occidental reposent sur une couche d’eau froide relativement superficielle, dont les températures moyennes s’élèvent à -1,5°C environ, et sous laquelle circule une couche d’eau légèrement plus chaude (environ 1°C). Ces deux couches d’eau sont séparées par une zone de transition thermique nommée « thermocline ».

Or, pour tous les scénarios de réchauffement climatique étudiés par les auteurs, cette zone thermocline s’élève de façon significative, ce qui conduit en retour au réchauffement des eaux de surface sur lesquelles reposent les plates-formes de glace et à la fonte progressive de ces dernières. Ce n’est donc pas l’évolution des températures atmosphériques qui devrait jouer le rôle le plus important dans le dépérissement progressif de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental, mais bien la hausse des températures marines.

Crédit image : Kaitlin A. Naughten, Paul R. Holland et Jan De Rydt, 2023, Nature Climate Change.

Il semble dans ces conditions que la perte d’une partie importante de la calotte glaciaire de l’Antarctique occidental soit d’ores et déjà inévitable. Les auteurs de l’étude ne proposent aucune évaluation quantitative du niveau de hausse des océans que pourrait provoquer cette disparition, mais anticipent une élévation significative du niveau des océans.

Cette conclusion ne doit en aucun cas conduire à nier l’importance des efforts d’atténuation du dérèglement climatique. La fonte de la calotte glaciaire de l’Antarctique de l’Ouest ne représente en effet que l’un des nombreux facteurs contribuant à l’élévation du niveau de la mer. D’autres régions de l’Antarctique devraient par ailleurs pouvoir conserver une masse de glace substantielle dans le cas où les objectifs actuels de limitation du réchauffement climatique seraient atteints.

Un réchauffement limité à 1,5°C conduirait à des inondations annuelles plus limitées mais néanmoins significatives, puisqu’elles seraient comprises entre 1 460 km² et 31 697 km².

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