Plus de la moitié des maladies infectieuses connues aggravées par le réchauffement climatique

Crédit image : Pixabay.

Le lien entre dérèglement du climat et multiplication des maladies infectieuses est connu de longue date par la communauté médicale. La plupart des études portant sur cette question se sont cependant concentrées, en règle générale, sur un groupe spécifique de pathogènes (bactérie, virus, etc.) ou sur une forme de transmission particulière (alimentation, eau, transmission vectorielle…).

Camilo Mora, de l’Université d’Hawaï, et ses collègues, ont cherché à déterminer plus précisément les effets du dérèglement climatique sur l’ensemble des maladies infectieuses connues. Pour ce faire, les auteurs ont procédé à la recension de plusieurs dizaines de milliers d’articles scientifiques relatifs aux questions de santé, parmi lesquels ils ont finalement retenu 830 publications liées au climat.

Ces diverses publications font état de 286 maladies infectieuses affectées par le dérèglement du climat. Parmi ces maladies, 277 sont aggravées par le réchauffement climatique, soit 58% de l’ensemble des maladies infectieuses répertoriées à ce jour dans le monde.

Lien entre événements climatiques et diffusion de différents types de pathogènes. Crédit image : Camilo Mora et al., 2022, Nature Climate Change.

Les auteurs de l’étude ont identifié quatre grands mécanismes par lesquels le réchauffement climatique favorisait la diffusion des maladies infectieuses.

En premier lieu, le dérèglement du climat contribue à rapprocher les agents pathogènes des personnes. La modification des températures et les événements extrêmes (incendies, tempêtes, inondations…) conduisent en effet de nombreuses espèces animales à migrer pour s’adapter aux perturbations de leur habitat.

Or, les déplacements sur de grandes distances de certains animaux sauvages comme les chauves-souris, les rongeurs et certains primates, sont à l’origine de la diffusion de nombreuses zoonoses (maladies transmises par les animaux), qui peuvent dans certains cas se transformer en épidémies, comme par exemple dans le cas du virus Ebola ou du Syndrome respiratoire aigu sévère (Sras).

Certaines espèces vectrices, qui diffusent les infections en transportant les agents pathogènes d’un hôte à l’autre, voient également leur habitat s’agrandir avec le réchauffement des températures. Ainsi par exemple des moustiques, des puces ou des tiques, dont la multiplication contribue à l’essor du virus Zika, du paludisme ou encore de la maladie de Lyme.

La période d’activité et l’extension géographique de la tique, vecteur de nombreux pathogènes comme la maladie de Lyme, ont significativement augmenté en France ces dernières années sous l’effet du réchauffement des températures. Source photographie : Pixabay.

Les sécheresses peuvent quant à elles favoriser la concentration de moustiques et d’oiseaux autour des points d’eau restants, ce qui facilite la transmission des virus. Les inondations et les tempêtes provoquent également de façon régulière des débordement des eaux usées et provoquent ainsi la transmission de nombreuses maladies. La fonte des glaces et du pergélisol seraient enfin susceptibles de libérer des pathogènes très anciens, face auxquels le corps humain ne dispose plus de défenses immunitaires efficaces.

Inondation de la Nouvelle Orléans à la suite du passage de l’Ouragan Katrina en 2005. Crédit photographie : NOAA.

Le dérèglement du climat est également susceptible de rapprocher les individus des agents pathogènes. Il s’agit là du second facteur de propagation des maladies infectieuses identifié par les auteurs.

Les vagues de chaleur favorisent par exemple les activités récréatives aquatiques et impliquent souvent le tarissement des sources d’eau potable. Elles sont donc associées à une augmentation des cas de maladies d’origine hydrique (choléra, Méningoencéphalite amibienne primitive, gastro-entérite…). Les déplacements importants de population résultant des tempêtes ou des inondations sont également favorables à la transmission de diverses pathologies.

La modification du climat est en troisième lieu responsable du renforcement de certains pathogènes. Divers mécanismes peuvent contribuer à un tel renforcement : amélioration des conditions de reproduction, accélération du cycle de vie, augmentation des durées d’exposition probables, intensification de la virulence…

Par exemple, le réchauffement de l’océan a accéléré la prolifération de diverses algues nocives comme les Pseudo-nitzschia. Certaines espèces de cette algue produisent de l’acide domoïque, une neurotoxine responsable d’intoxications alimentaires graves en cas d’ingestion de coquillages infectés. Les symptômes incluent notamment des pertes de mémoire, une désorientation importante et un affaiblissement musculaire.

L’algue Pseudo-nitzschia, à l’origine d’intoxications alimentaires graves. Crédit photographie : U.S. National Office for Harmful Algal Blooms.

Les vagues de chaleur sont quant à elles favorables à la transmission, à la pénétration et à la survie des bactéries Vibrio, bacilles souvent toxiques qui sont par exemple à l’origine du choléra et de diverses infections digestives.

Enfin, le dérèglement du climat favorise la diffusion des maladies infectieuses en contribuant à l’affaiblissement du corps humain. Certains épisodes climatiques extrêmes altèrent la condition physique (ainsi des vagues de chaleur qui peuvent provoquer une surmortalité et une morbidité importantes), peuvent contraindre les individus à vivre dans des conditions insalubres, et réduire l’accès aux soins médicaux en endommageant les infrastructures ou en perturbant les chaînes d’approvisionnement.

Plus généralement, la malnutrition et les famines qui peuvent résulter des pertes agricoles liées aux sécheresses ou aux inondations affaiblissent les défenses immunitaires des individus.

La modification du climat est certes susceptible de faire reculer certaines pathologies. Les auteurs de l’étude soulignent cependant que tel n’est le cas que pour 3% des maladies connues. Ces résultats suggèrent donc une grande vulnérabilité des sociétés humaines face aux conséquences sanitaires du dérèglement climatique.

La démultiplication des pathologies sous l’effet du réchauffement climatique représente une menace d’autant plus importante que l’intensification des échanges et des déplacements de population sous l’effet de la mondialisation peut favoriser l’émergence de pandémies d’échelle mondiale dans les cas les plus graves, comme l’a illustré la crise du COVID-19.

Il semble par conséquent indispensable que les mesures d’adaptation prévues à l’échelle nationale prennent mieux en compte la dimension sanitaire du dérèglement climatique. Ces risques sont susceptible de varier grandement en fonction des régions. Il revient par conséquent à chaque Etat de développer de stratégies de protection spécifiques contre les menaces sanitaires découlant du réchauffement climatique.

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